samedi 5 février 2011

A Louxor, les Egyptiens manifestent... et rassurent les touristes

"Chers touristes, ne partez pas, nous vous protègerons!" Cette prière, exprimée sur la place Tahrir du Caire, le coeur de la contestation anti-Moubarak, est proclamée avec d'autant plus de force dans le sud du pays, qui vit en grande partie du tourisme.  

Dans le sud de l'Egypte, les revendications sont les mêmes que sur la place Tahrir. Avec une inquiétude supplémentaire: et si la chute de Moubarak entraînait une instabilité peu propice à l'activité touristique, vitale pour la région?

 
Il est 11 heures à Louxor et la vie semble se dérouler comme d'ordinaire. Les pavés de la place centrale sont usés, surtout par les sandales des touristes américains et asiatiques vus non loin du légendaire temple de Louxor. Plus loin, un conducteur de calèche, vêtu d'une galabieh alpague un jeune couple de Français se rendant sur la "Corniche". Les marchands du souk sont toujours là. "Viens! Je peux t'aider à dépenser ton argent!".   

La mission des commerçants: rassurer les touristes. "Il n'y a pas de problèmes. Vous êtes en sécurité ici. C'est fini!" soutient Ahmed, un jeune marchand de sac en cuir. "Moi j'ai besoin des touristes français, américains, chinois pour vivre", affirme Naim, propriétaire d'un commerce de bijoux.   

"J'ai investi pour avoir ce magasin et nous avons peur que les touristes fuient le pays. Je préfère que Moubarak reste car c'est un rempart contre les Frères Musulmans et un garant de stabilité", ajoute Naim du fond de sa boutique.   

L'ancienne ville de Thèbes accueille des milliers de touristes tous les ans, en témoigne le nombre des complexes hôteliers et bateaux de croisières. Le tourisme est donc central et vitale dans la vie économique. A plus de 700 kilomètres du Caire, "la vie doit continuer comme avant".   

Le touriste est roi, ou plutôt pharaon. Tout est prévu pour lui. Le matin, ils marchent sur les pas de Thoutmosis III dans le temple de Karnak. L'après-midi, ils dénichent les morts dans la Vallée des Rois. Le soir, ils profitent des douceurs locales... L'homo touristicus tient toujours son programme.   


Louxor n'est pas Le Caire

Mais Louxor est loin d'être un îlot coupé des préoccupations et des revendications des jeunes Egyptiens qui manifestent sur la place Tahrir du Caire. Midan Abû Hajjâj, place du nom du saint patron de Louxor, des manifestants anti-Moubarak se regroupent et scandent plusieurs fois "le peuple demande la chute de Moubarak!".   

Les manifestants portent tous des banderoles et des feuilles, traces écrites de leurs revendications. Deux femmes, accompagnées de leurs enfants, discutent tout en gardant un oeil sur le cours de la manifestation. "La situation à Louxor est différente de celle du Caire. Nous avons le tourisme, grâce à Dieu!".   

Le muezzin de la mosquée Abû Hajjâj appelle certains manifestants et les fidèles à la prière. La place redevient calme pendant quelques minutes. Mais très vite, les esprits s'échauffent à nouveau.   

Dina: "Je veux plus de liberté et un nouveau système"  
"Je ne veux pas que les générations à venir subissent le même régime. C'est un fardeau. Je veux plus de liberté et un nouveau système", nous confie Dina, vêtue d'un voile gris et brandissant la pancarte qu'elle a confectionnée. "Je travaille dans le tourisme donc je n'ai pas besoin de changement mais je pense à mes frères qui sont au chômage".   

Très loin de la place Tahrir, les revendications de Dina font écho à celles des Egyptiens réunis au Caire, à Alexandrie et à Suez. "Je ne comprends pas pourquoi nous devons payer des produits de première nécessité à des prix indus alors que nous avons des usines dans le pays. L'Etat préfère vendre notre sucre de bonne qualité à l'étranger et acheter du sucre bas de gamme pour sa population", soutient Dina, avant de rejoindre rapidement les rangs de la manifestation.  
Et aussi les pro-Moubarak...

Le lendemain, même heure, même place, une centaine de manifestants pro-Moubarak prennent le relai. "Le peuple veut le maintien du Président!", scandent les personnes réunies sur la place. Les slogans "Moubarak tombe et la corruption aussi", inscrits sur les murs la veille, ont disparu. Drapeaux égyptiens et nouvelles banderoles à l'effigie d'Hosni Moubarak sont là pour rappeler la légitimité du Raïs en place. "Il ne doit pas partir", crie un des manifestants.   

Mascarade ou soulèvement de la majorité silencieuse? En tout cas les manifestants présents aujourd'hui paraissent plus pauvres que ceux de la journée précédente. Une population socialement moins hétérogène payée par le pouvoir en place? Du Caire à Louxor, la même interrogation.   

Et aussi les pro-Moubarak...

Le lendemain, même heure, même place, une centaine de manifestants pro-Moubarak prennent le relai. "Le peuple veut le maintien du Président!", scandent les personnes réunies sur la place. Les slogans "Moubarak tombe et la corruption aussi", inscrits sur les murs la veille, ont disparu. Drapeaux égyptiens et nouvelles banderoles à l'effigie d'Hosni Moubarak sont là pour rappeler la légitimité du Raïs en place. "Il ne doit pas partir", crie un des manifestants.   

Des banderoles neuves en l'honneur du président Hosni Moubarak, à Louxor...  

Mascarade ou soulèvement de la majorité silencieuse? En tout cas les manifestants présents aujourd'hui paraissent plus pauvres que ceux de la journée précédente. Une population socialement moins hétérogène payée par le pouvoir en place? Du Caire à Louxor, la même interrogation.   


 Nadéra BOUAZZA






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