Les Algériens sont appelés à manifester le 12 février pour réclamer la démocratisation de leur pays. Si les organisateurs assurent que la société algérienne est prête pour le changement, les autorités sont loin de partager ce parti pris.
Plusieurs villes algériennes pourraient être le théâtre, le 12 février, de manifestations "pour le changement démocratique". C'est en tout cas le sens de l’appel inédit lancé par une coalition rassemblant partis politiques et associations de la société civile.
Pour l’opposant Fodil Boumala, membre de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie et animateur de la page Facebook Res Publica II, "l’objectif, c’est la rupture, le départ du gouvernement actuel et l’instauration d’une véritable démocratie". Un objectif qui se heurte d'ores et déjà à l'interdiction brandie notamment par la municipalité d’Alger. Le rassemblement doit pourtant avoir lieu sur la place du 1er mai, au centre de la ville.
Une manifestation similaire a déjà eu lieu à Alger en janvier, à l’appel d’un parti d’opposition, le Rassemblement pour le changement démocratique (RCD). Neutralisés par un important dispositif policier, les manifestants ne s’étaient pourtant pas rendus très loin. Cernées par les forces de l’ordre, 300 personnes étaient restées bloquées devant le siège du parti. L’opposition avait déploré une quarantaine de blessés dans les affrontements qui ont suivi alors que les autorités dénombraient sept policiers blessés.
Un appel qui laisse sceptique une partie des observateurs
Hafidh Daamache, rédacteur en chef adjoint du journal d’expression arabe El-Khabar, est sceptique quant au succès d’une nouvelle manifestation, interdite dans la capitale. "Ici, les gens pensent à eux, à leur logement, à leur emploi". Les habitants de régions plus mobilisées – notamment les habitants de Kabylie - ne réussiront pas à entrer dans la capitale, explique-t-il. "La place du 1er mai peut être verrouillée avec 300 policiers. Et les entrées routières d’Alger sont peu nombreuses et faciles à bloquer. Sur l’entrée Est, il y a au moins cinq barrages."
Les organisateurs le concèdent : "Si on compare avec la Tunisie et l’Egypte, ce ne sera pas la place Tahrir", assure dans un éclat de rire Khelil Abdelmoumen, secrétaire général de la Ligue algérienne des droits de l’Homme.
Optimiste, il assure pourtant que la dynamique de l’opposition est en train de changer. "La Coordination réunit des gens qui n’ont pas l’habitude de parler ensemble", affirme Fodil Boumala. "La manifestation est déjà un succès : le fait d’avoir suscité une mobilisation, la vivacité du débat public, constituent déjà une victoire", renchérit Khelil Abdelmoumen.
L’Algérie peut-elle être emportée par l’élan tunisien ?
Dans un pays où l’opposition est très divisée et peine à se mobiliser, le fait même que différents mouvements collaborent ressemble à une avancée. La journaliste Nicole Chevillard, spécialiste de l’Algérie et rédactrice en chef de la revue Risques internationaux, reste dubitative. Elle constate que déjà, le mouvement organisateur se fractionne. "Il y a tellement de dissensions. Le pouvoir manipule l’opinion en usant de faux-semblants et d’avatars depuis des années. Cela explique la méfiance des Algériens", affirme-t-elle.
Bien que les soulèvements tunisiens et égyptiens aient marqué les esprits des militants, tous s’accordent néanmoins pour affirmer que la situation algérienne est trop différente pour y être comparée. "En Algérie, la question n’est pas tant que les gens ne peuvent pas parler, mais que personne ne les écoute", résume Nicole Chevillard.
Elle reste cependant étonnée par la multiplication des immolations qui ont suivi le suicide par le feu de Mohammed Bouazizi en Tunisie. "Cela ne fait pas du tout partie de la culture locale, ni arabe par ailleurs !", dit-elle. Signe d’un découragement qui aurait atteint son paroxysme, ces actes de désespoir pourraient-il donner raison à ceux qui assure que l’Algérie vit un réel changement ? "Au stade où en est l’Algérie, cela va demander du temps, croit Khelil Abdelmoumen. Mais les gens aimeraient que ça change."
Marianne NIOSI
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