mardi 8 février 2011

Salva Kiir, le discret dirigeant du Sud-Soudan

Un nouveau pays, le Sud-Soudan, devrait naître le 9 juillet de la partition du Soudan, avec à sa tête Salva Kiir, un homme discret doté d'un solide art du consensus.



Cet ancien agent des services de renseignement militaires est considéré comme un héros par une majorité de Sudistes pour les avoir guidés jusqu'au référendum d'autodétermination. Par cette consultation, ils se sont prononcés à près de 99% pour la sécession, après des années de guerre civile contre le Nord.

Kiir doit maintenant transformer ce territoire producteur de pétrole mais désespérément sous-développé en un véritable Etat.
Son premier défi sera de mener d'ici l'indépendance cinq mois de négociations avec le Nord sur d'épineuses questions telles que le partage des ressources pétrolières et des eaux du Nil et le tracé de la frontière.

Sous l'imposante stature du dirigeant sudiste, le plus souvent coiffé d'un large chapeau noir, se dissimule un homme politique mesuré, qui préfère le consensus à la confrontation.
Lorsqu'il est arrivé à la tête de la région semi-autonome, en 2005, de nombreux Sudistes le comparaient défavorablement à son prédécesseur, le fougueux John Garang, héros de la guerre d'indépendance.

Son approche modérée pourrait maintenant être son principal atout pour gouverner un territoire enclavé handicapé par des divisions tribales, une profonde pauvreté, des voisins instables et la présence de nombreuses armes.

"Avec Garang, c'était une révolution. Mais maintenant le moment est venu d'écouter les autres plutôt que d'imposer des décisions", relève Fouad Hikmat, analyste d'International Crisis Group.
"Il s'agit de construire une nouvelle nation à partir de rien (...) Il (Kiir) a les compétences nécessaires pour accomplir sa tâche, à savoir bâtir un consensus nord-sud. Dans le même temps, il impose le respect à l'armée".

John Garang a dirigé pendant plus de vingt ans le Mouvement populaire de Libération du Soudan (MPLS, alors formation rebelle) et combattu pour un "Nouveau Soudan", avec des droits égaux pour tous.

Il est mort en 2005 dans un accident d'hélicoptère, quelques mois après avoir signé avec le Nord l'accord de paix qui prévoyait l'organisation du référendum.
Son rêve de "Nouveau Soudan" s'est éteint avec lui, la plupart des Sudistes aspirant à l'indépendance, même du vivant de Garang.

Lorsque Salva Kiir, ancien dirigeant de la branche militaire du MPLS, a pris la direction du mouvement et de la région, il s'est d'abord attaché à consolider ce consensus.
Kiir, qui avait combattu dans l'Anya Nya, prédécesseur du MPLS, s'est concentré sur le maintien de l'unité de sa région.

En octobre, il a gracié des miliciens renégats et les a invités à rejoindre le MPLS et l'armée du Sud. Il a convoqué une réunion avec les petits groupes d'opposition de la région pour tenter d'arrêter des positions communes en prévision du référendum.

Salva Kiir a réussi à ramener d'anciens adversaires dans le giron du MPLS et de l'armée du Sud, mais il reste à savoir si son parti sera capable d'accepter des rivaux préférant rester à l'extérieur.
Des observateurs internationaux ont accusé le MPLS et des officiers de l'armée sudiste d'intimidation de groupes d'opposition lors des élections législatives de l'an dernier.

Des journalistes sudistes se sont aussi plaints de harcèlement, en particulier lorsque leurs articles portaient sur la corruption ou sur des projets coûteux et excentriques.

Jusqu'ici Kiir, qui est âgé d'une bonne cinquantaine d'années, a été épargné par les accusations formulées à l'encontre de certains de ses partisans.

"Il a survécu à toute la guerre. Cela n'a pas été le cas de beaucoup de généraux du MPLS (...) Il a fait preuve de qualités politiques", note Roger Middleton, de la cellule de réflexion londonienne Chatham House.

"Une chose que nous ignorons encore c'est le type de gouvernement qu'il souhaite former une fois que le Sud-Soudan sera indépendant. Dans quelle mesure sera-t-il ouvert à des parties extérieures au MPLS ? On ne peut vraiment pas le dire."

Aux termes de l'accord de paix de 2005, Kiir est aussi devenu premier vice-président du Soudan. Mais il a passé tant de temps en dehors de Khartoum, préférant Djouba, la capitale sudiste, que les Nordistes l'ont surnommé le "vice-absent".

A Djouba, où l'on n'entretient guère le culte de la personnalité, le meilleur moyen d'entendre Kiir est d'aller à l'église catholique où il assiste à la messe dominicale et adresse aux fidèles des discours improvisés.

Atem Garang, vétéran du MPLS, a rencontré pour la première fois le futur président lorsque Garang était agent des services de renseignement militaire dans la ville sudiste de Malakal, au début des années 1980.

Il a d'abord attribué la discrétion de Kiir à sa déférence envers ses supérieurs hiérarchiques. Mais même monté en grade, le futur président est resté réservé.

"C'est une personne tranquille qui vous écoute jusqu'au dernier mot de ce que vous souhaitez exprimer. Salva a compris la mentalité politique du Soudan. Il l'a utilisée dans l'intérêt de la population du Sud-Soudan", analyse Atem Garang.


Nicole Dupont

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