mercredi 2 février 2011

Egypte: «Les Etats-Unis sont sur le fil du rasoir»

Alors que la population égyptienne continue de demander le départ d'Hosni Moubarak, la principale préoccupation des Américains reste la stabilité et la sécurité dans la région...


Depuis le début du soulèvement égyptien, et de la crise politique qui en découle, les Etats-Unis se montrent prudents. En effet, l’Egypte est, géopolitiquement parlant, un acteur de premier plan au Proche-Orient, et l’un des meilleurs alliés des Etats-Unis dans la région. «Les Etats-Unis jouent très très gros avec l'Egypte, qui est le deuxième pôle de stabilité de la région avec l'Arabie Saoudite», rappelle Jean-François Daguzan, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek.

En effet, l'Egypte partage une frontière avec Israël, est l’un des deux seuls pays arabes à avoir signé un accord de paix avec l’Etat hébreu, en 1978, et est donc à ce titre l'un des acteurs clés du processus de paix dans le conflit israélo-palestinien. Or, «la question fondamentale pour les Etats-Unis est celle de la sécurité dans la région, et de la frontière avec Israël», souligne Jean-Noël Ferrié, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Egypte affecté au Centre Jacques Berque de Rabat. «Le canal de Suez, le fait que l’Egypte soit un rempart face à l’Iran passent au second plan.»

Déficit de sympathie

Pourtant, mardi soir, le président américain est intervenu directement, appelant à un changement politique immédiat en Egypte. Un tournant dans les relations américano-égyptiennes? «Non, mais c’est un tournant dans la manière dont les Etats-Unis veulent apparaître sur la scène internationale. Ils souhaitent revenir sur le déficit de sympathie dont ils souffrent  dans la région», explique Jean-Noël Ferrié.

Jean-François Daguzan abonde: «Les Etats-Unis sont sur le fil du rasoir. Ils essayent d'ouvrir le pays en poussant Moubarak dehors tout en recherchant un nouveau gouvernement sur lequel ils peuvent compter.»

«Une grosse prise de risque»

Or, il n’y a pas d’opposition claire en Egypte. «Ce sont de petites forces politiques sans grande influence, des groupes pas très structurés», note Jean-Noël Ferrié. A l’exception des Frères Musulmans, qui sont très structurés et possèdent la plus grande légitimité: ils restent la première force d’opposition malgré leur interdiction officielle.

«S’ils prennent le pouvoir, ou même s’ils ne sont qu’une des forces d’un gouvernement de coalition, il est clair que la relation de l’Egypte avec Israël va être bouleversée», indique Jean-Noël Ferrié. «C’est une grosse prise de risque de la part des Etats-Unis», selon le spécialiste.

Un «équilibre subtil» à trouver

Sans l’allié égyptien, les Etats-Unis pourraient continuer à s’appuyer sur les pays du Golfe ou sur la Jordanie, autre appui privilégié dans la région. Cependant,  «tous les régimes de la région souffrent des mêmes maux que l’Egypte: ce sont des régimes autoritaires, qui voient en ce moment leur population, mécontente, se rebeller.» Il en va ainsi de la Jordanie, par exemple.

Pour Jean-François Daguzan, «les Etats-Unis cherchent une solution rapide. Mais il faut qu'ils trouvent un équilibre subtil entre la stabilité du gouvernement et répondre à l'aspiration populaire». Car, «si les Etats-Unis laissent systématiquement tomber leurs alliés dans la région face au mécontentement populaire, ils risquent de ne plus avoir aucun appui, et donc plus de stratégie à long terme», conclut Jean-Noël Ferrié.


Bérénice Dubuc 
 
 
 

1 commentaire:

  1. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, s'est prononcé mercredi, lors d'un discours au Parlement, pour "renforcer la puissance d'Israël" en réponse aux troubles actuels en Egypte. Il a réitéré ses craintes de voir un nouveau régime égyptien susceptible de remplacer celui d'Hosni Moubarak adopter une ligne islamiste, tout en assurant les manifestants égyptiens du soutien de l'État hébreu en faveur de réformes démocratiques. Des propos qui laissent entendre qu'Israël pourrait juger nécessaire de renforcer son arsenal militaire si le traité de paix conclu en 1979 avec son voisin égyptien (le premier avec un Etat arabe) ne survivait pas à un changement de régime au Caire ou si sa pérennité était remise en cause.

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