Un policier parmi les manifestants, le 22 janvier 2011 à Tunis
TUNIS — De nombreux Tunisiens, auxquels se sont joints des policiers, ont recommencé à manifester samedi, mêlant revendications sociales et appels à un nouveau gouvernement débarrassé des caciques de l'ancien régime, malgré les promesses de "rupture" de l'équipe de transition.
A Tunis, des milliers de Tunisiens manifestaient dans des cortèges éparpillés dans le centre ville, avenue Habib Bourguiba, devant le siège du gouvernement, ou celui de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), la centrale syndicale, ont rapporté des journalistes et photographes de l'AFP.
De nombreux policiers en civil ou en uniforme, dont quelques motards juchés sur leurs machines, défilaient dans le centre de la capitale, se disant "des Tunisiens comme les autres", pour réclamer la création d'un syndicat de police.
Les cortèges prenaient souvent un tour social, des employés de mairie exigeant ici une amélioration de leurs conditions de travail, des employés de ménage dans les entreprise réclamant là des augmentations de salaires.
En ce deuxième jour, sur trois, de "deuil national" en mémoire des victimes de la révolution du jasmin, -une centaine de morts selon l'ONU- tombés pour la plupart sous les balles de la police, les policiers réclament la création d'un syndicat pour défendre leurs droits.
"Y'en a marre de recevoir les ordres et pour une fois on veut crier notre colère", tempêtait un policier devant le siège de l'UGTT, la puissante centrale syndicale qui a joué un rôle crucial dans la chute de Ben Ali le 14 janvier, en canalisant et politisant une révolte à l'origine sociale.
"Nous sommes mobilisés 24 heures sur 24 pour un salaire de misère", dénonçait un agent en montrant sa fiche de paie avec salaire brut de 360 dinars (environ 200 euros).
Des policiers qui manifestaient devant le siège du gouvernement en ont bloqué un moment l'accès à la voiture du président tunisien de transition, Foued Mebazaa, avant d'être écartés en douceur par des collègues en service.
A Sidi Bouzid (centre-ouest), la ville déshéritée d'où est partie la contestation après l'immolation par le feu d'un marchant de fruits, une centaine de policiers se proclamant "victimes" de l'ancien régime ont également manifesté, a constaté un correspondant de l'AFP.
"Nous sommes aussi les victimes de la bande des Trabelsi", scandaient les policiers, en civil et en uniforme, en référence à la famille honnie de la seconde épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, Leïla Trabelsi, qui avait mis le pays en coupe réglée.
Depuis la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite après un mois de révolte populaire, la population exprime ouvertement son hostilité envers la police, forte de 100.000 hommes et instrument privilégié de l'ancien régime répressif.
Tentant d'apaiser la colère de la rue, qui craint de se faire confisquer sa révolte par un gouvernement dominé par les ministres de l'ancienne équipe Ben Ali, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a promis vendredi soir qu'il s'effacerait de la scène politique.
Il a aussi annoncé que "toutes les lois antidémocratiques seront abrogées" pendant la transition: les loi électorales et antiterroriste, ainsi que code de la presse.
Il s'est engagé à préserver le statut de la femme qui interdit la polygamie, la gratuité de l'enseignement et l'accès à la santé.
"Il y a une volonté de sortie de crise, mais toujours dans la même incompréhension de l'ampleur du rejet exprimé par la population de tous les symboles de l'ancien régime", a réagi samedi l'opposant Mustapha Ben Jaafar, dirigeant du Forum démocratique pour le travail et les libertés.
"Il a présenté des arguments, parfois tout à fait valables dans une situation normale. Mais nous ne sommes pas dans une situation normale, nous sommes dans une vraie révolution. Il faut aller vite, sans hésitation, trouver une solution globale", a déclaré à l'AFP ce ministre démissionnaire du gouvernement de transition.
En Suisse, un avion appartenant à l'entourage de l'ex-président Ben Ali a été bloqué à l'aéroport de Genève, alors que la Suisse a décidé de geler les avoirs de l'ex-chef d'Etat et de son entourage.
Au Maroc, deux hommes ont tenté de s'immoler par le feu, portant leur nombre à trois depuis les événements de Tunisie, a rapporté samedi le quotidien arabophone Assabah. Des actes similaires ont aussi eu lieu en Algérie, en Egypte et en Mauritanie.
Les Etats-Unis ont dit "douté" vendredi soir que la révolte populaire tunisienne se répète dans la région, malgré des traits communs entre les sociétés arabes.
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