Les ressortissants soudanais installés en Europe - 20 000 rien qu'au Royaume-Uni - peuvent voter pour le référendum d'autodétermination du Sud-Soudan. Mais pour ce faire, ils doivent se déplacer à Londres.
Victoria Street, centre de Londres. Dimanche 9 janvier 2011, début de matinée. Des dizaines de Soudanais - bientôt dotés de passeports sud-soudanais ? - commencent à affluer, à converger vers le cœur de la cité londonienne, à moitié endormie. Direction, le siège central de l'église protestante Methodist Central Hall, à quelques encablures du célébrissime quartier de Westminster. C'est là, au deuxième étage, qu'a lieu le vote de tous les ressortissants soudanais établis en Europe dans le cadre du référendum d'autodétermination du Sud-Soudan.
Dans les bureaux et dans les salles alentour, on célèbre déjà les leaders du futur État, qui devrait devenir le 54e du genre de la vaste, l'immense Afrique. On célèbre Salva Kiir, l'actuel dirigeant des Sud-Soudanais, on célèbre John Garang, leader historique du mouvement indépendantiste. On chante à la gloire du sud, on danse. On pleure de joie. Et on vote. Pour l'autodétermination..
C'est au Royaume-Uni que vit la plus grande communauté soudanaise du Vieux-Continent. Alors, ils sont venus de partout pour ce rendez-vous. Le président de la Commission chargée de l'organisation du référendum, Santino Loro, a "tout mis en œuvre pour le bon déroulement de l'événement". Le scrutin a été transparent, assure-t-il, sous la surveillance de la communauté internationale.
Londres : une "ruse" d’Omar el-Béchir !
Pour certains d’entre eux, le choix de Londres comme centre de vote européen, effectué par les autorités soudanaises, est une façon de décourager les électeurs. C’est ce que croit Fardol Santino, président de la section parisienne du Mouvement pour l'indépendance du peuple soudanais. "El-Béchir a rusé en optant pour Londres comme centre de vote. Son objectif : empêcher un maximum d'électeurs de voter. Son régime a même refusé le vote électronique, prétextant de contraintes techniques, d'où le double aller-retour des Soudanais à Londres".
Mais ruse ou pas, les Soudanais sont bien là, à Victoria Street, pour porter leur voix dans l'urne. Touna en a accueilli quelques-uns. Cette habitante du nord de Londres a ouvert sa maison à ses concitoyens venus de France, des Pays-Bas, de Belgique ou d'Allemagne. Elle les reçoit chez-elle, de bon cœur, pour la "bonne cause". "Je suis fière de mes origines sud-soudanaises", nous lance-t-elle, émue. Ses invités sont cloués devant la télévision et traquent la moindre information sur le référendum.
Touna exulte, peine à retenir ses larmes. "Je suis si heureuse, dit-elle. Comment aurions-nous pu imaginer qu'un jour viendrait où nous voterions pour notre indépendance ? Nous avons vécu l'esclavage et l'exil, des membres de ma famille sont morts durant les deux guerres civiles (1955/1972 puis 1983/2005, NDLR). Alors pour eux je dirais 'Oui' à l'indépendance."
"Je suis ici pour l'indépendance"
Touna ne sera pas la seule à dire "oui". Josèphe Warandilif s’apprête lui aussi à l'imiter. Il est venu de Suisse, accompagné de ses deux filles dont l'aînée n'a pas encore vingt ans. Le voyage lui a coûté 3 000 francs suisses (près de 2400 euros, NDLR), en plus de quatre journées d'absence au travail.
Josèphe a perdu sa mère à l'âge de six ans, puis son oncle quelques mois plus tard. Parti venger sa sœur, il a été capturé et assassiné pas les nordistes. Sa grand-mère décèdera de chagrin très de peu de temps après dans un camp de réfugiés en Ouganda. Mais s'il a effectué le voyage à Londres, ce n'est pour venger personne, mais pour défendre la cause de la paix, de la liberté. "Je suis ici pour marquer mon approbation à l'indépendance, se réjouit-il. Les guerres civiles du Soudan ont prouvé que Nord et Sud ne peuvent coexister; peut-être que le président el-Béchir lui-même en a marre de la guerre. Vive la paix !"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire