Les émeutes de vendredi à Alger, dans le quartier populaire de Belouizdad
Au Maghreb, les jeunes manifestent violemment contre une situation économique insupportable dans un contexte politique en crise.
Le Maghreb s'enflamme. Les moins de 30 ans (70 % de la population) sont dans la rue et veulent tout casser pour se faire entendre. Surtout en Algérie, où les manifestations ont un air de déjà-vu. En octobre 1988, les émeutes d'Alger, commencées par une manipulation politique et poursuivies par le soulèvement d'une population excédée par des conditions de vie difficiles, un chômage énorme et le mépris d'une classe politique sclérosée dominée par le FLN, avaient débouché sur un éphémère "printemps d'Alger". En 1991, des élections pluripartistes avaient montré que le FIS, le principal parti islamiste, risquait d'emporter la majorité au Parlement. L'armée avait alors annulé le second tour du scrutin, prenant le risque d'une guerre civile qui a fait plus de 100.000 morts. La situation politique est différente. Mais les causes du mécontentement social sont les mêmes.
En Algérie, c'est l'augmentation des prix de produits de première nécessité (sucre et huile) qui a mis le feu aux poudres. L'État veut mettre fin au secteur informel. Les revendeurs sont depuis le 1er janvier soumis à une TVA de 17 %. Cette taxe a été répercutée sur les prix de vente des produits alimentaires. Une conséquence que les politiques n'avaient pas intégrée. Pour l'homme de la rue, dont le salaire de base est déjà le plus bas du Maghreb, la situation était devenue insupportable. En Tunisie, c'est le geste désespéré d'un jeune diplômé chômeur qui s'est immolé par le feu à Sdi-Bouzid, dans le centre du pays, après qu'un policier eut brisé l'étal ambulant qui le faisait survivre, qui a déclenché une succession de manifestations.
Chefs d'État vieillissants
Des deux côtés, c'est l'échec économique et politique évident de deux régimes qui vivent, de plus, une crise de succession. Les deux chefs d'État sont vieillissants et malades. Zine Ben Ali détient depuis 1987 un pouvoir chaque année plus policier et plus prédateur. Abdelaziz Bouteflika est président depuis 1999 et son troisième mandat s'accompagne d'un immobilisme croissant. Des deux côtés, le malaise est grand face au manque de liberté. En Tunisie surtout, la presse indépendante a disparu, les intellectuels sont pourchassés et bastonnés, les internautes embastillés.
Ces émeutes peuvent-elles faire vaciller les pouvoirs ? C'est douteux. En Algérie, la guerre civile des années 90 a laissé la société exsangue. Les partis politiques sont des coquilles vides, les organisations inexistantes. Les jeunes sont dans la rue et cassent, mais aucune organisation n'est aujourd'hui capable de canaliser leur colère pour le meilleur ou pour le pire. En Tunisie, par contre, la société civile bouge à ses risques et périls. Pour la première fois, la quasi-totalité des avocats du pays est descendue dans la rue pour organiser une marche pacifique où les objectifs économiques se sont doublés d'une protestation politique contre l'absence de liberté et le pouvoir policier. Les autorités semblent l'avoir compris et le chef de l'État a fait sauter des têtes. Il n'est pas sûr que cela soit suffisant.
Le gouvernement algérien a décidé, samedi 8 janvier, de supprimer temporairement certaines taxes sur le sucre et l'huile alimentaire, dans l'espoir d'enrayer la hausse des prix et les manifestations dans plusieurs villes d'Algérie. Depuis mercredi, le pays est en proie à de violentes émeutes déclenchées par un taux de chômage élevé et une hausse récente des prix des produits alimentaires de base. Au moins deux personnes ont été tuées et 400 autres blessées dans les manifestations, selon un bilan gouvernemental.
RépondreSupprimerLes affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont repris lundi dans le centre-ouest de la Tunisie. Trois localités - Kasserine, Thala et Regueb - étaient en proie à des heurts, signe de la poursuite des émeutes contre le chômage qui secouent le pays depuis la mi-décembre.
RépondreSupprimerCes violences ont fait au moins 14 morts selon le gouvernement, et plus de 20 selon des sources de l'opposition.
A Kasserine, un homme atteint de plusieurs balles et admis à l'hôpital dimanche, Abdelbasset Kasmi, a succombé à sa blessure lundi matin, selon Sadok Mahmoudi, membre du bureau exécutif de l'union régionale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale).
Ce dernier a également fait état d'«grand nombre» de personnes blessées qui se trouvaient en réanimation à l'hôpital de Kasserine, placé sous contrôle de l'armée. Selon des sources médicales et syndicales, l'établissement manquait lundi de sang pour traiter les blessés.