mardi 25 janvier 2011

Musulmans dans l’armée américaine : un imam raconte

Un soldat Américain en Afghanistan

New York - France USA Media.

Le capitaine James Yee fut l’un des imams les plus respectés de l’armée américaine. Né sur le sol américain, d’origine chinoise, il s’était converti à l’Islam en 1991, à sa sortie de West Point. Mais après le 11 septembre, sa vie a basculé. En 2003, victime de l’islamophobie ambiante, il a été accusé à tort d’espionnage pour le compte d’Al-Qaeda alors qu’il officiait à Guantanamo. Les chefs d’inculpation ont tous été abandonnés en 2004 après la mobilisation d’un comité de soutien. Malgré cela, Yee attend toujours des excuses officielles de l’armée.

Alors que devait débuter cette semaine le procès du major Nidal Malik Hasan, auteur du massacre de Fort Hood (13 morts) en novembre 2009 - il a été reporté à l’automne - Yee revient pour France USA Media sur le sens d’être musulman dans l’armée américaine.


Qu’avez-vous ressenti au moment de la tuerie de Fort Hood ?

Rien ne peut justifier les actes du major Hasan. Cependant, des témoignages de proches indiquent qu’il aurait été victime de discrimination et d’harcèlement à cause de sa religion. Sa hiérarchie était au courant. Je crois donc que l’armée américaine doit répondre à beaucoup de questions, notamment pourquoi elle ne s’est pas attaquée au problème tout de suite.

En tant qu’imam dans l’armée, vous avez rencontré, écouté et conseillé de nombreux soldats musulmans. Vous parlaient-ils d’éventuels mauvais traitements?

Tous les musulmans dans les rangs ont été victimes à un moment ou l’autre d’harcèlement et de discrimination. Pour ma part, lorsque j’ai suivi la formation pour devenir imam dans l’armée, beaucoup d’autres religieux, chrétiens, me disaient que j’irai en enfer. Sur le papier, l’armée américaine prône le pluralisme. Mais lorsque j’ai vu ces prêtres là, des hommes de foi, réagir comme cela, j’ai tout de suite déchanté.

Nous sommes appelés « ennemis », notre loyauté au drapeau est remise en cause… C’était particulièrement vrai après le 11 septembre. Et ce, alors que des militaires musulmans meurent tous les jours en Irak et en Afghanistan. Ce sacrifice ultime n’est pas reconnu, ni par l’armée ni par les politiques. Seul Colin Powell, interviewé sur MSNBC (chaine de TV américaine) lorsqu’il était secrétaire d’Etat, a montré de la compassion quand il s’est ému devant la photo d’un militaire américain musulman mort sur le champ de bataille.

Après le 11 septembre, vous vous êtes adressé à des bataillons entiers pour parler d’Islam. Qu’avez-vous appris sur la perception que les non-musulmans ont de votre religion?

Je pense que beaucoup sont ressortis de ces réunions avec une meilleure compréhension de l’Islam. Mais c’est une goutte d’eau dans un océan. Il faut un effort massif pour éduquer les militaires et les membres du gouvernement sur ce qu’est l’Islam. Je pense que la plupart des problèmes des Etats-Unis en Irak s’expliquent par une certaine méconnaissance du peuple et de sa culture. Les actions de l’armée américaine y seraient sans doute mieux comprises si un effort comme celui-ci pouvait être entrepris.

Pensez-vous que les nouvelles recrues musulmanes, dont l’armée à tant besoin dans sa guerre contre le terrorisme islamique, connaissent cette réalité en s’engageant ?

Pour ma part, avant de me convertir à l’Islam et de m’engager, je ne pensais pas que ce serait aussi dur. Je savais qu’on allait me regarder de travers mais je n’ai jamais pensé être arrêté, accusé d’espionnage, enfermé et peut-être exécuté ! Mon conseil aux futures recrues musulmanes de l’armée serait de se renseigner sur les défis que pose l’identité musulmane dans l’armée américaine. Surtout qu’il est difficile de sortir des rangs une fois dedans. Dans le cas du Major Hasan, il semblerait qu’il ait voulu en sortir. On a vu ce qu’il s’est passé.

Pourtant, l’armée fait beaucoup pour mettre ses éléments musulmans à l’aise, notamment en leur créant des lieux de culte et en aménageant des horaires pour leurs prières. N’est-ce pas assez ?

L’armée a fait des efforts pour recruter des musulmans et des arabes mais je ne pense pas qu’elle ait fait quoi que ce soit pour les mettre à l’aise. C’est pour ca que les imams musulmans sont aussi importants dans l’armée : ils préservent les traditions religieuses et protègent les droits des militaires. Le problème majeur réside dans ceux qui, à l’intérieur de l’armée, tiennent la rhétorique de la Croisade. Ça doit cesser !

Que préconisez-vous ?

Il faut qu’il y ait une politique de « tolérance zéro » contre ceux qui pratiquent la discrimination contre les musulmans. Lorsque la fusillade de Fort Hood a éclaté, le Président Obama a dit aux Américains de ne pas faire d’amalgame. C’est bien, mais il aurait du dire qu’aucun écart contre les musulmans ne serait toléré. Je pense aussi que les procédures de traitement des plaintes de l’armée doivent être révisées. Beaucoup de ces plaintes, pas seulement celles provenant de musulmans, ne sont pas prises au sérieux. Le plaignant devient au contraire l’homme à abattre car il sème le trouble. L’armée veut conserver sont soi-disant honneur, elle ne veut pas que les problèmes s’ébruitent. Ils ne sont donc pas traités comme ils devraient l’être.

James Yee est l’auteur de For God and Country: Faith and Patriotism Under Fire




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