Comme la plupart des experts s’y attendait, la « diplomatie du feu », c’est-à-dire les tentatives de réconciliation turco-israéliennes consécutives à l’envoi par la Turquie de deux avions « Canadair » pour aider à la lutte contre l’incendie, qui a dévasté récemment la région d’Haïfa, n’a pas fait… long feu . Le 25 décembre dernier, le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, a déclaré que son pays souhaitait toujours se réconcilier avec Israël, mais il a rappelé que, pour que cela puisse se faire, il fallait que l’Etat hébreu présente des excuses à la Turquie et indemnise les victimes de l’arraisonnement du Mavi Marmara ; une manière de faire comprendre que le dernier round de négociations entre les deux pays n’avait pas été des plus concluants.
Le chef de la diplomatie turque a attribué cet échec aux divisions internes existant au sein de la coalition gouvernementale israélienne. « Il y a dans cette coalition des rivalités encore plus féroces que celles qui peuvent exister avec certains Etats. », a-t-il souligné. Un brin moqueur, il a expliqué que le gouvernement turc, pour sa part, n’avait eu besoin que de deux minutes pour décider d’envoyer ses « Canadairs » à Haïfa, alors qu’une telle décision aurait, selon lui, nécessité de longues négociations entre les différents partenaires de la coalition gouvernementale israélienne, pour déboucher probablement sur un échec.
Depuis l’arraisonnement du Mavi Marmara, le 31 mai dernier, et la mort de 9 militants humanitaires turcs, plusieurs tentatives de restauration des relations turco-israéliennes ont eu lieu, en particulier deux sessions de négociations confidentielles. La première s’est tenue à Bruxelles, et a vu le ministre israélien de l’industrie travailliste, Benyamin Ben Eliezer (connu pour sa sympathie à l’égard de la Turquie) rencontrer le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoğlu. La seconde, consécutive à l’envoi des deux « Canadairs », et à une discussion téléphoniques des chefs de gouvernement des deux pays, est intervenue récemment à Genève entre des diplomates de haut rang. Les deux initiatives, au départ secrètes, ont été gênées du fait de fuites orchestrées par les adversaires israéliens d’un tel processus de réconciliation, en particulier, le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, en personne. Ce dernier, a d’ailleurs affirmé, le 26 décembre dernier, dans le sillage des dernières déclarations de son homologue turc, la veille, qu’Israël ne présenterait pas d’excuses, et qu’en réalité, « celui qui devrait s’excuser » était « le gouvernement turc pour son soutien au terrorisme. »
La perspective d’une réconciliation turco-israélienne est en fait plus que jamais hypothétique. Côté turc, en effet, le Mavi Marmara est revenu à Istanbul, le 26 décembre, après plusieurs mois de réparation. Il a été accueilli par plusieurs milliers de personnes, arborant des drapeaux turcs et palestiniens (photo), et réunies à l’initiative de l’organisation humanitaire islamique IHH, l’un des principaux organisateurs de la flottille « Free Palestine » de mai dernier. Les responsables d’IHH ont annoncé, à cette occasion, qu’une nouvelle flottille tenterait de se rendre à Gaza, le 31 mai prochain, soit un an jour pour jour après l’arraisonnement meurtrier du Mavi Marmara.
Le gouvernement turc semble pourtant accueillir cette initiative avec réserve. Il n’a pas envoyé de représentants à la manifestation qui a accueilli le Mavi Marmara à Istanbul, hier, car Il est probable qu’il ne souhaite pas prêter le flanc aux accusations du gouvernement israélien, qui lui reproche d’avoir instrumentalisé l’affaire de la flottille en mai dernier. De surcroit, il faut voir que le spectre des organisations humanitaires islamiques engagées dans les opérations de solidarité en faveur de Gaza, comporte une frange de militants islamistes radicaux, avec lesquels l’AKP ne souhaite manifestement pas s’afficher. On se souvient d’ailleurs que, lors de l’affaire de la flottille « Free Palestine », et à l’issue de l’arraisonnement dramatique du Mavi Marmara, des nuances s’étaient manifestées au sein même du gouvernement turc dans l’appréciation des faits. Certains ministres avaient en effet suivi l’opinion de Fethullah Gülen qui, tout en condamnant la violence de l’intervention du commando israélien, avait jugé imprudent le comportement de l’organisation IHH.
Avant le retour du Mavi Marmara à Istanbul, lors de son passage par les Dardanelles, des incidents ont opposé les autorités portuaires de Çanakkale à des militants radicaux qui voulaient monter sur le navire, alors même que sa restauration n’est pas achevée et qu’il n’est pas techniquement apte à recevoir des passagers. Le gouvernement turc entend donc montrer qu’il garde le contrôle de la situation et qu’il ne se laissera pas déborder par les militants les plus radicaux. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit prêt à renouer avec Israël, surtout dans la période électorale qui s’annonce (les législatives auront lieu en juin 2011). Samedi dernier, Ahmet Davutoğlu n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que 9 Turcs avaient été tués « dans les eaux internationales » et que personne ne pourrait « passer outre cette vérité. ».
Turquie News
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