La ligue arabe fait marche arrière. Au lendemain des frappes aériennes de la coalition internationale, la Ligue arabe qui était pourtant favorable à la résolution de l’Onu autorisant ces frappes, a critiqué les bombardements. Amr Moussa, secrétaire général de Ligue arabe, qui a plaidé la semaine dernière pour une zone d’exclusion aérienne et a apporté son soutien au peuple libyen dans sa lutte pour la liberté, a émis la première critique. « Ce que nous voulons c’est de protéger les civils et non pas bombarder plus de civils », a-t-il déclaré en faisant référence à une information donnée par la télévision d’Etat libyenne qui fait état de 48 morts et de nombreux civils blessés. Ces victimes seraient imputables aux frappes aériennes des forces de la coalition internationale.
La fluctuation de l’opinion publique arabe reflète un dilemme qui a toujours marqué la psychologie collective des peuples de la région à l’égard de toute intervention militaire provenant de l’étranger. Dans ce contexte, la division qui a frappé la région lors de la deuxième guerre du Golfe revient à l’esprit.
Il n’en reste pas moins que la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Italie et le Canada participent pour l’heure à l’opération baptisée « Aube de l’Odyssée », la plus grosse intervention militaire dans le monde arabe depuis l’invasion de l’Iraq en 2003.
Son objectif est, en application de la résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité de l’Onu, de faire respecter une zone d’exclusion aérienne et un cessez-le-feu en Libye.
Le président Barack Obama a annoncé, samedi, avoir autorisé une action militaire limitée des forces américaines pour mettre en œuvre la résolution 1973. Il a aussi insisté sur le fait que les Etats-Unis ne déploieraient pas de troupes au sol en Libye.
Cependant, le colonel Muammar Kadhafi, qui a réprimé dans le sang l’insurrection partie de l’est du pays il y a un mois, a qualifié l’intervention de « coloniale » et a déclaré que la Méditerranée et l’Afrique du Nord étaient désormais un champ de bataille. « Il est désormais nécessaire d’ouvrir les dépôts et d’armer toutes les masses, avec tout type d’armes, pour défendre l’indépendance, l’unité et l’honneur de la Libye », a-t-il déclaré dans une allocution télévisée.
Des alliés régionaux peu nombreux
L’intervention des pays occidentaux, autorisée par l’Onu, a été critiquée par plusieurs pays occidentaux et arabes, dont la caution est essentielle pour l’Occident. La position du gouvernement turc est notamment restée très ambiguë sur la crise libyenne. Le premier ministre, Tayyip Erdogan, a souhaité dimanche que l’opération militaire en Libye s’achève au plus vite, tandis que son ministère des Affaires étrangères annonçait que la Turquie « fournirait une contribution pour résoudre la crise libyenne », sans préciser laquelle.
La Turquie a réclamé, dimanche, que l’Otan réexamine les plans opérationnels qu’elle prépare depuis des semaines estimant que l’intervention armée de la coalition a largement modifié la situation.
Une réunion des principaux dirigeants civils et militaires turcs est prévue lundi, à Ankara, pour examiner la situation. Nombre de diplomates redoutent que ces frappes, qui ont probablement déjà tué des civils, ne créent « un nouvel Iraq ».
L’Italie est restée relativement réticente à l’intervention armée sous sa forme actuelle. Elle a affirmé, lundi 21 mars, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, qu’elle souhaitait vouloir vérifier la conformité des premiers bombardements avec la résolution de l’Onu. « Cela ne devrait pas être une guerre contre la Libye mais l’application intégrale de la résolution de l’Onu », a-t-il déclaré. « L’Italie a accepté de prendre part à la mise en œuvre de la résolution votée par le Conseil de sécurité afin d’obtenir un cessez-le-feu et de faire cesser les violences », a rappelé M. Frattini.
La Russie, qui n’avait cessé d’émettre des réserves sur les plans des Occidentaux en Libye, a vivement critiqué cette semaine l’ampleur des frappes menées dans ce pays, estimant qu’elles étaient effectuées de manière non sélective et faisaient des victimes civiles. « Il est inadmissible d’utiliser le mandat du Conseil de sécurité afin de mener à bien des objectifs qui vont clairement au-delà de ses dispositions, prévoyant uniquement des mesures pour protéger la population civile », a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch.
Inspirés par la révolution pacifiste en Egypte précédée par la Tunisie, les peuples arabes ont cru entamer une démocratisation non sanglante. Mais la gestion des événements par Kadhafi a renversé cette hypothèse causant un dilemme, et exigeant davantage de sacrifices, voire même des risques d’effritement de ces pays.
Les pays arabes sont divisés sur l’intervention en Libye. La Tunisie a été assez critique sur l’intervention militaire internationale en cours contre le régime du colonel Kadhafi. Cette action représente pour ce pays une menace pour la région, qui risque de se transformer en une zone de tension et de devenir une base avancée des « forces impérialistes » qui n’ont pas intérêt à voir la région vivre un sursaut social révolutionnaire, nationaliste et démocratique, à en juger par leurs déclarations sur Oman, le Yémen ou Bahreïn.
Malgré tout, la Tunisie a approuvé l’intervention étrangère après maintes hésitations. Elle juge cependant qu’elle doit absolument rester dans le cadre de la résolution 1973. L’inverse serait synonyme d’invasion. Une opinion partagée par l’Algérie qui s’inquiète des frappes de l’Onu sur la Libye, soulignant que ce sont les avions de chasse français qui ont ouvert les hostilités.
L’Arabie saoudite, le Qatar et les Emirats arabes unis sont, pour l’instant, les seuls pays arabes à participer à la mission de la coalition internationale. Il était question d’un soutien de l’Arabie saoudite mais les relations entre Riyad et Washington se sont sensiblement refroidies ces dernières semaines. « L’Egypte n’a absolument pas annoncé qu’elle participerait à l’alliance militaire internationale contre la Libye, cela pour des raisons liées à notre sécurité intérieure et au grand nombre d’Egyptiens présents en Libye », a déclaré le chef de la diplomatie égyptienne, Nabil Al-Arabi. L’Egypte a, pour des raisons humanitaires, soutenu la résolution de la Ligue arabe demandant au Conseil de sécurité des Nations-Unies d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye.
Inès Eissa
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