Le Premier ministre Ahmad Chafic lors d'une allocution télévisée le 3 février 2011 au Caire |
LE CAIRE — Le Premier ministre égyptien Ahmad Chafic a démissionné jeudi, une décision saluée par les mouvements d'opposition qui ont fait tomber le président Hosni Moubarak, alors que le pays est engagé dans une difficile transition politique sous la direction de l'armée.
Le conseil suprême des forces armées a annoncé son remplacement par Essam Charaf, une personnalité populaire parmi les jeunes militants pro-démocratie qui avaient déclenché la révolte anti-régime fin janvier.
M. Charaf, professeur d'ingéniérie à l'université du Caire, a été ministre des Transports de 2002 à fin 2005, avant d'être démis à la suite de divergences avec l'ancien Premier ministre Ahmad Nazif.
Il avait participé aux manifestations de la place Tahrir au Caire, épicentre de la contestation anti-Moubarak, et il est apprécié par les jeunes qui ont lancé l'appel à la révolte.
Ces derniers avaient avancé son nom lors d'une rencontre avec des membres du conseil militaire dimanche dernier, au cours de laquelle ils avaient plaidé pour des changements démocratiques rapides et profonds.
"Nous sommes contents, nous avions proposé son nom et notre demande a été acceptée", a déclaré à l'AFP un des responsables de la Coalition des jeunes de la révolution, Chadi al-Ghazali.
L'opposant Mohamed ElBaradei, dans un message diffusé sur le réseau twitter après l'annonce du départ de M. Chafic, déclare que "le régime déchu est tombé avec la chute de Moubarak et de son gouvernement, nous sommes sur la bonne voie".
"J'exprime ma sincère appréciation au Conseil suprême des forces armées qui a accepté la demande du peuple", ajoute l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'un des principaux soutiens politiques de la révolte anti-Moubarak.
M. Chafic et son gouvernement avaient été nommés dans les derniers jours au pouvoir du président Hosni Moubarak, qui a démissionné le 11 février sous la pression de la rue.
Son gouvernement, remanié depuis, s'est attiré les foudres d'opposants, en particulier d'organisations de jeunes, en raison de la présence de nombreuses personnalités proches du raïs déchu.
M. Chafic, issu de l'armée, était lui-même ministre de l'Aviation sous l'ancien président.
Son gouvernement comprenait aussi des personnalités importantes de l'époque Moubarak, comme le ministre des Affaires étrangères Ahmad Aboul Gheit, celui de l'Intérieur Mahmoud Wagdi ou celui de la Justice, Mamdouh Mohieddine Marei, dont les jeunes demandent qu'ils ne soient pas reconduits dans le prochain cabinet.
La démission de M. Chafic survient alors que le pays est engagé dans une phase de transition politique délicate.
L'armée, à qui M. Moubarak a remis ses pouvoirs en partant, a suspendu la Constitution et dissout le Parlement.
Elle a également promis des réformes démocratiques, en particulier une révision de la Constitution soumise à référendum puis des élections législatives et présidentielle, en principe d'ici la fin du mois d'août, avant un retour à un pouvoir civil.
Une commission a déjà proposé des projets d'amendements constitutionnels, remplaçant notamment la possibilité de mandats présidentiels illimités de 6 ans par deux mandats consécutifs au plus, de quatre ans.
Cette commission propose également d'assouplir les conditions requises pour se porter à la présidence, une demande pressante de l'opposition.
Cette ébauche de schéma de transition est toutefois critiquée depuis plusieurs jours, certains la jugeant trop rapide pour permettre l'émergence de vrais partis politiques issus de la révolte populaire.
Certains opposants exigent aussi une révision en profondeur de la loi électorale avant tout scrutin.
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui a fait savoir qu'il était intéressé par la présidence, demande pour sa part que la présidentielle se tienne avant les législatives, contrairement aux projets prêtés à l'armée.
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