Les pillages se poursuivent sur de nombreux sites pharaoniques et islamiques suite à l’absence de sécurité. Une situation grave.
Pour la seconde fois depuis la révolution du 25 janvier, l’entrepôt de Tell Al-Faraïne au gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, dans le Delta, a été objet de vol. Une bande de 40 personnes armées ont réussi à détruire le portail de l’entrepôt et casser quelques coffres à l’intérieur. Ce n’est pas en fait le premier incident cette semaine. Trois jours avant, l’entrepôt de Sélim Hassan, un des pionniers de l’archéologie égyptienne, se trouvant au pied des Pyramides a été lui aussi objet de vol. Des incidents qui témoignent une fois de plus que la civilisation égyptienne court un vrai danger. Les sites archéologiques ne sont pas gardés, les dépôts non plus. Des bandes bien organisées qui savent ce qu’ils volent. Un cri d’alarme pour sauver ce patrimoine. « Le Sphinx, symbole de l’Egypte et des Egyptiens au cours des siècles, nous crie secours », c’est ainsi que Zahi Hawas, ministre d’Etat pour les Antiquités, s’est adressé aux jeunes de la révolution du 25 janvier sur sa page Facebook pour l’aider à protéger l’héritage du pays.
Lors du pillage des deux dépôts de Sélim Hassan dans la région de Guiza, les gardes et les policiers chargés de la surveillance des sites ont été ligotés et bâillonnés par les malfaiteurs. En fait, ce n’est pas le premier épisode de ce genre à la suite des manifestations qui ont entraîné la chute du régime de Moubarak. Plusieurs pièces archéologiques ont été dérobées au Musée égyptien du Caire et dans la nécropole de Saqqara lors des émeutes. « La police n’était plus en mesure de protéger les monuments égyptiens. N’étant pas armés, les gardes sont incapables d’empêcher les attaques », a déclaré désespérément Zahi Hawas, qui envisagerait de démissionner après les nombreux vols subits sur des sites ou dans des musées égyptiens. « Je ne me suis jamais senti aussi faible comme ces jours-ci, je suis paralysé devant les attaques contre les sites archéologiques que j‘ai tant défendus », reprend Hawas qui vient d’ajouter à la liste des lieux pillés celui d’Abydos, un important site archéologique au nord de Louqsor (voir encadré). « C’est très difficile de vendre ces pièces puisqu’elles sont toutes enregistrées en Egypte. Un inventaire sera bientôt réalisé pour déterminer les pièces volées dans les dépôts de Sélim Hassan qui contiennent des pièces rares découvertes au début du XXe siècle près des Pyramides de Guiza, ainsi que toutes les pièces pillées en Egypte », assure Ali Radwane, président de l’Union des archéologues arabes.
Les antiquités pharaoniques ne sont pas les seules à souffrir des violations. Les monuments islamiques ont subi eux aussi des dégâts considérables. En fait, six monuments islamiques ont été complètement détériorés comme le Sabil de Ali Bey Al-Kabir à Tanta, Wékalet Kom Al-Nadoura, celle d’Al-Gédawi à Esna, ainsi que Khan Al-Zakarcha et Wékalet Al-Haramein dans la région d’Al-Hussein. Mais le pire encore était l’incendie qui a éclaté dans le commissariat de Police de Gamaliya qui est une double perte, puisque le bâtiment est lui-même enregistré comme monument islamique et ses policiers empêchaient les voitures de pénétrer dans la rue Al-Moëz, tout à fait consacrée aux piétons, pour protéger les dizaines de monuments islamiques, sabils, madrassa, mosquées et wékalas, récemment restaurés et qui ont coûté à l’Etat des millions de L.E. « Aujourd’hui, ce sont les habitants du quartier Al-Gamaliya qui, en coopération avec les responsables de sécurité du ministère de l’Etat pour les Antiquités, qui règlent la circulation dans la rue et empêchent les voitures d’y entrer », explique Mohsen Mohamad, archéologue à Gamaliya. Ce ne sont pas seulement les habitants qui défendent leur patrimoine, mais aussi beaucoup d’archéologues se trouvent sur place pour aider à la protection des richesses du pays. « Beaucoup d’œuvres qui sont oubliées se trouvent dans la pénombre des réserves et nécessitent une vigilance accrue sur l’éventuel lancement sur le marché d’antiquités. On suivra tous les sites Internet spécialisés dans la vente des pièces et ceux des grandes salles de vente aux enchères pour voir si une pièce apparaît ici ou là ; on la récupérera tout de suite », reprend Mohsen.
Les archéologues égyptiens gardent en mémoire le chaos survenu à Bagdad en 2003 après la chute de Saddam Hussein. Des milliers de pièces millénaires avaient été pillées ou détruites. Tous ces incidents témoignent que les antiquités égyptiennes courent un grand danger. Une vérité qui était claire depuis les premiers jours de la révolution en Egypte. C’est ce qui avait poussé Irina Bokova, directrice de l’Unesco, à faire appel pour sauver les antiquités égyptiennes. Bokova a exhorté les autorités de tous les pays, ainsi que les vendeurs d’arts et les collectionneurs, à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour retrouver les pièces volées en Egypte. « J’appelle les forces de sécurité, les agents des douanes, les vendeurs d’arts, les collectionneurs et la population locale à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour retrouver ces pièces inestimables », a-t-elle déclaré dans un communiqué mis en ligne sur le site de l’organisation. Selon elle, l’Unesco coopérera étroitement avec l’Interpol et d’autres organisations internationales afin de retrouver les pièces volées. « Il est particulièrement important de vérifier l’origine des biens culturels importés et exportés ou mis en vente, particulièrement sur Internet », a-t-elle poursuivi. Bokova, qui a demandé de façon solennelle que toutes les mesures nécessaires soient prises pour sauvegarder les trésors de l’Egypte, au Caire, à Louqsor et sur tous les autres sites culturels ou historiques du pays, a fait allusion à l’idée d’une supervision de l’Unesco sur les antiquités égyptiennes.
Idée qui a été catégoriquement refusée par Hawas, assurant que l’Egypte est capable de protéger ses biens culturels et n’a pas besoin d’intervention extérieure. « Les Egyptiens aiment leur patrimoine et ce qui le prouve c’est que ce sont les citoyens eux-mêmes qui ont protégé le musée lors des manifestations de Tahrir tout à fait au début de la révolution », renchérit Hawas.
Abdel-Halim Noureddine, professeur d’égyptologie, partage la même idée que Hawas. « L’Egypte n’a pas besoin de l’intervention de l’Unesco pour protéger ses monuments, mais les vols des antiquités ne doivent pas quand même être un phénomène en Egypte, surtout avec l’absence des agents de police », lance Noureddine. Il suggère pour la protection des antiquités de faire une carte pour les dépôts des antiquités sur laquelle on précise le lieu et la nature de chaque dépôt et les moyens de sécurité qui y sont utilisés afin qu’il soit facile de les assurer ou de s’y diriger en cas d’attaque. En outre, la suspension de tous les projets concernant la restauration des monuments ou ceux du développement des sites archéologiques et diriger leurs fonds pour avoir le plus grand nombre possible d’hommes de sécurité bien armés dans les différents dépôts éparpillés tout au long du pays. En plus, faire des patrouilles de sécurité mobile dans les sites archéologiques, car elles intimident les pillards. Il faut aussi illuminer les sites archéologiques qui se trouvent dans le désert pour les rendre plus vifs. Quant aux musées, leur sécurité est plus facile puisqu’on peut les fermer tôt, surtout que les flots touristiques ne sont pas encore abondants. « Tout cela n’empêche pas de demander aux forces armées de renforcer davantage la protection des monuments », conclut Noureddine.
Dalia Farouq
Une très longue liste …
— 8 pièces du Musée du Caire.
— Entrepôt d’Al-Qantara Charq à l’est du Sinaï.
— Entrepôt de la mission archéologique du Musée du Métropolitan à Dahchour.
— Entrepôt de la mission tchèque.
— Deux entrepôts à Guiza de l’égyptologue Sélim Hassan.
— Des entrepôts à Tell Basta et à Wadi Al-Firan près de Charm Al-Cheikh.
— La tombe de Ken Amon à Tell Al-Maskhouta à Ismaïliya : la seule tombe datant de la XIXe dynastie dans la région.
— La tombe d’Empi à Guiza, à proximité du Sphinx.
— Des gravures ont été pillées de la porte de la tombe de Hotep Ka.
— Des gravures pillées à la tombe de Ptah Cheps dans la région d’Abousir.
— Un site archéologique au Nord du Sinaï a été complètement détruit.
— Des contrebandiers ont attaqué le site archéologique d’Abydos en essayant d’y fouiller. Ils ont fait un fossé de 5 mètres de profondeur.
— Les habitants du village avoisinant la pyramide du roi Meren Râ au sud de Saqqara ont fait des violations contre les terrains appartenant au ministère des Antiquités, en construisant des édifices là-dessus.
— Des rapports font état de fouilles clandestines à Alexandrie, Ismaïliya, les oasis Bahariya, Charqiya, Abousir et Dahchour.
— Entrepôt d’Al-Qantara Charq à l’est du Sinaï.
— Entrepôt de la mission archéologique du Musée du Métropolitan à Dahchour.
— Entrepôt de la mission tchèque.
— Deux entrepôts à Guiza de l’égyptologue Sélim Hassan.
— Des entrepôts à Tell Basta et à Wadi Al-Firan près de Charm Al-Cheikh.
— La tombe de Ken Amon à Tell Al-Maskhouta à Ismaïliya : la seule tombe datant de la XIXe dynastie dans la région.
— La tombe d’Empi à Guiza, à proximité du Sphinx.
— Des gravures ont été pillées de la porte de la tombe de Hotep Ka.
— Des gravures pillées à la tombe de Ptah Cheps dans la région d’Abousir.
— Un site archéologique au Nord du Sinaï a été complètement détruit.
— Des contrebandiers ont attaqué le site archéologique d’Abydos en essayant d’y fouiller. Ils ont fait un fossé de 5 mètres de profondeur.
— Les habitants du village avoisinant la pyramide du roi Meren Râ au sud de Saqqara ont fait des violations contre les terrains appartenant au ministère des Antiquités, en construisant des édifices là-dessus.
— Des rapports font état de fouilles clandestines à Alexandrie, Ismaïliya, les oasis Bahariya, Charqiya, Abousir et Dahchour.
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