vendredi 8 avril 2011

Egypte : L’échiquier politique en profonde mutation


Dialogue National . De nouveaux partis naissent, d’autres plus anciens tentent des alliances. A l’approche des élections législatives prévues en septembre prochain, la scène politique égyptienne se transforme.

Des fusions et des alliances … Le laboratoire des partis politiques fait sa mue en Egypte. Bien qu’il reste 6 mois avant les législatives, les partis ont commencé tôt la course vers le Parlement. Aux 25 partis qui existent formellement viennent s’ajouter une vingtaine d’autres en cours de formation. Dans le but de s’accorder le plus de chance aux élections, chaque groupe commence à choisir la forme qu’il pense être convenable pour son entrée dans cette nouvelle ère de l’après-Moubarak. Et les choix sont multiples. Soit fusionner pour former une nouvelle entité, ou bien former des alliances temporaires tout en conservant son identité.
 
En fait, la fusion des partis, si elle existe en abondance dans plusieurs pays du monde, est considérée en Egypte comme une nouvelle terminologie dans le dictionnaire des partis. Mais elle a quand même eu lieu avec la fusion de deux partis en formation : Al-Masri al-libérali (l’Egyptien libéral) de Mohamad Aboul-Ghar, professeur d’obstétrique et de gynécologie à l’Université du Caire et membre éminent du Mouvement du 9 mars, et Al-Démocrati al-egtemaï (le démocratique social) de tendance gauchiste, présidé par Amr Hamzawy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, qui a joué un rôle très distingué lors de la révolution du 25 janvier. Al-Masri al-démocrati al-egtemaï (L’Egyptien démocrate social) est le résultat de ce fusionnement pour devenir le premier parti de son genre en Egypte. « Etat civil - développement économique - justice sociale » est le logo de ce parti.

Une autre originalité de cette entité politique émergente est l’amalgame des libéraux et socio-démocrates. « Un parti libéral qui se trouve dans un pays, où 40 % de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté et 30 % sont des analphabètes, doit avoir une orientation sociale démocratique très précise », dit Aboul-Ghar. Le programme de ce parti est alors celui d’une formation libérale qui préconise l’application des mécanismes de marché dans l’économie.
 
Un mariage politique temporaire ? Les fondateurs de ce parti font tout leur possible pour éviter un tel scénario. « On va sérieusement travailler les trois mois prochains pour formuler un programme clair qui reflète pleinement l’identité politique distincte du parti et pour assurer l’intégration complète entre les deux groupes », affirme Aboul-Ghar. « Le calendrier très serré des législatives, avec la nouvelle loi de formation des partis, nous a encouragés à rechercher une formule de compromis et des points de convergence, afin d’éviter les phénomènes négatifs dans la vie politique en Egypte comme le démantèlement des petits partis et l’arrogance vis-à-vis de l’action collective », explique pour sa part Amr Hamzawy.
 
Pour Yousri Al-Ezabawy, politologue au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, la fusion des partis est un phénomène sain et positif, notamment pour les nouveaux partis qui n’ont pas encore de public sauf celui de la place Tahrir. « Il est préférable pour ces nouveau-nés de fusionner dans une seule entité plus organisée et populaire pour sortir de la place Tahrir. S’ils restent dispersés, ils ne vont pas collecter les fruits de la révolution et n’auront aucun rôle, voire aucun siège dans le prochain Parlement et ils n’auront même aucune influence durant les élections présidentielles », explique le politologue. Il prévoit aussi que le parti libéral démocrate va être dans les prochaines jours un exemple à suivre pour les nouveaux partis.
 
L’alliance est la solution

De l’autre côté, la plupart des partis formels ont opté pour un autre choix. La liste unifiée des candidats est leur plan pour les législatives. Trois partis seulement ont déclaré publiquement préparer leurs listes, à savoir le parti du néo-Wafd, Al-Ghad et celui du Front démocratique. Ces trois partis ont décidé de former « une nouvelle alliance de partis libéraux » dans le but de coordonner entre eux durant les prochains législatives à travers « une liste unifiée et un programme électoral commun qui représente le courant libéral ». Mais cette alliance laisse aussi la porte toute ouverte devant les autres tendances pour y participer. « L’alliance entend contacter le courant nassérien et ses partis. Notre but est de parvenir à un compromis qui garantit d’obtenir le plus grand nombre de sièges au Parlement », dit Ibrahim Nawar, représentant du parti du Front dans cette alliance. Et d’ajouter : « Cette alliance est temporaire et sera interrompue à la fin des législatives. Et si un jour on désire la continuité de cette alliance, on va renouveler son programme ».

Les exemple d’alliances électorales entre les partis d’idéologie et de programmes différents sont nombreux dans l’histoire des législatives. Et ceci, malgré toujours une représentation très faible aux Parlements précédents. Mais il semble que les alliances aient des avantages pour ces partis. Le premier atout, c’est ce qu’on appelle « l’économie électorale », ou en d’autres termes le financement des campagnes électorales, et ceci à travers les économies réalisées dans les dépenses communes.

Les alliances des partis avaient d’autres buts qui ont changé après la révolution du 25 janvier. Avant, former une coalition contre les candidats du PND était un des principaux objectifs de l’alliance. Celle-ci voulait regrouper les protestataires contre les politiques de l’ennemi commun, c’est-à-dire du parti au pouvoir, et cela sans tenir compte de leurs tendances politiques. Aujourd’hui, l’ennemi commun est différent. Ce sont les Frères musulmans ou l’ensemble du courant islamiste que les partis craignent le plus. Ils brandissent alors le slogan « L’alliance est la solution » face aux candidats de « l’islam est la solution ». On entend de temps à autre dire que les partis recherchent dans les différents gouvernorats des symboles pour faire face aux candidats des Frères et aux salafistes dans les circonscriptions.

Bien que la confrérie ait souvent fait partie des coalitions électorales précédentes, une alliance semble aujourd’hui très difficile pour eux. Et ceci malgré les tentatives acharnées des Frères de rassurer les partis dans les médias. La confrérie a maintes fois répété qu’elle n’envisageait pas la majorité absolue au Parlement et qu’elle visait seulement 35 à 50 % des sièges. Des messages qui ont été suivis de contacts directs avec les partis, en leur proposant une liste unifiée, dans certaines circonscriptions, afin de faire face à ce qui reste du PND. Ce dernier constitue d’ailleurs l’épouvantail brandi par la Confrérie à ces partis. Mais les appels des Frères musulmans sont restés sans réponses.

Selon Al-Ezabawy, le comportement des Frères durant le référendum, en essayant de mobiliser les gens pour dire « oui », a été très critiqué par les autres mouvements politiques qui, aujourd’hui, sont méfiants à l’idée que des Frères dominent le processus électoral. Ils craignent que la Confrérie manipule les partis pour parvenir à la majorité.

De l’autre côté, les Frères témoignent ces jours-ci de dissensions intérieures, après la démission de deux de leurs dirigeants, notamment Abdel-Moneim Aboul-Fotouh.

Une alliance islamique n’est pas prévue dans les jours à venir. La Confrérie est idéologiquement aussi en conflit avec les autres courants islamistes, même avec le parti d’Al-Wassat. « Les alliances entre les mouvements religieux sont plus difficiles que celles entre les autres partis politiques », conclut Al-Ezabawy.


Aliaa Al-Korachi




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