mardi 28 juin 2011

Egypte : un Mickey barbu provoque l'indignation des salafistes



LE CAIRE (AP) — Ce n'est pas la première fois que Naguib Sawiris déclenche les foudres pour ses positions sur l'islam en Egypte: ce chrétien, grand manitou des télécommunications, vient à nouveau d'attiser la colère des islamistes ultra-conservateurs en publiant sur Internet un dessin humoristique représentant un Mickey affublé d'une barbe et une Minnie d'un voile lui dissimulant le visage.

Pour les salafistes, cette image mise en ligne sur Twitter tourne leur religion en ridicule. Ces islamistes tenants de la ligne dure ont lancé une campagne en ligne appelant les musulmans en Egypte à boycotter Mobinil, l'entreprise de téléphonie mobile de Naguib Sawiris. Lundi, les actions de Mobinil et d'Orascom Telecom, fondée par le magnat des télécommunications, ont chuté à la bourse d'Egypte.

Riche propriétaire d'entreprises de médias, Naguib Sawiris défend une Egypte laïque. Après le départ le 11 février du président Hosni Moubarak sous la pression d'un soulèvement populaire, il a lancé un parti politique qui plaide en faveur d'une séparation entre l'Etat et la religion.

A la suite des plaintes suscitées par la diffusion du dessin sur Mickey et Minnie il y a quelque jours, Naguib Sawiris s'est fendu d'excuses vendredi sur Twitter et affirmé qu'il s'agissait d'une plaisanterie. "Je présente mes excuses à ceux qui ne l'ont pas pris pour une blague, je pensais juste qu'il s'agissait d'une image drôle" qui n'avait rien à voir avec une marque d'"irrespect. Je suis désolé", a-t-il écrit.

Mais des internautes n'ont pas du tout goûté son sens de l'humour: de nouveaux groupes ont fleuri sur Facebook et rapidement gagné plus de 60.000 membres, appelant à un boycottage de son entreprise de téléphonie mobile. "Si vous êtes vraiment un musulman et que vous aimez votre religion, boycottez ses projets", a exhorté un groupe baptisé "Nous plaisantons, Sawiris". "Nous devons couper la langue à toute personne attaquant notre religion."

Un autre groupe nommé "Nous te détestons Mickey Sawiris" dépeint l'homme d'affaires égyptien en Mickey Mouse, la souris humanoïde emblématique de l'univers Disney. Son mot d'ordre: "Non aux moqueries contre l'islam."

A cet assaut sur le Web s'ajoutent des ripostes judiciaires: au moins 15 avocats salafistes ont intenté des actions en justice accusant Naguib Sawiris d'outrage à la religion, a rapporté un responsable du bureau du procureur général.

Les dessins humoristiques représentent en Egypte une nouvelle source des tensions communautaires, qui ont déjà débouché sur des violences en un certain nombre d'occasions dans la période de transition chaotique post-Moubarak.

Un religieux salafiste, Mazen el-Sersawi, a tancé Naguib Sawiris lors d'une apparition à la télévision. "Honte à vous", s'est-il exclamé. "Comment un homme de ce type peut-il plaisanter sur les musulmans dans un pays au bord de la discorde communautaire. Si c'est juste une plaisanterie, pourquoi ne représentez-vous pas Mickey en moine ou en religieuse?".

Naguib Sawiris n'en est pas à sa première sortie controversée sur l'islam. En 2007, il s'était exprimé contre le voile islamique. "Je ne suis pas contre le voile... mais quand je marche dans la rue, j'ai l'impression d'être un étranger", avait-il dit dans un média local.

Les salafistes, des fondamentalistes sunnites prônant un retour à l'islam des origines, se distinguent par leur apparence et leurs tenues vestimentaires. Dans de nombreux secteurs du Caire, les femmes portent le niqab, un voile laissant apparaître les yeux, plutôt que le foulard qui dissimule seulement les cheveux. Les hommes portent de longues barbes et se rasent souvent la moustache.

La campagne contre Sawiris montre combien ses revendications pour une Egypte laïque gênent les islamistes. Elle pourrait également aboutir à diviser l'opinion publique à l'approche des législatives cruciales, programmées pour septembre
 
 

 


 

lundi 27 juin 2011

La CPI lance un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi



Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont lancé un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam et le chef des services de renseignements libyens, Abdallah Al-Senoussi, pour crime contre l'humanité.

La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé lundi la délivrance d'un mandat d'arrêt à l'encontre de Mouammar Kadhafi pour crimes contre l'humanité commis en Libye depuis le 15 février.
            
"La chambre délivre, par la présente, un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi", a déclaré la juge Sanji Mmasenono Monageng, lors d'une audience publique à La Haye.
            
Les juges ont également délivré des mandats d'arrêt pour crimes contre l'humanité à l'encontre du fils de M. Kadhafi, Seif Al-Islam, et du chef des services de renseignements libyens, Abdallah Al-Senoussi.
            
Le procureur Luis Moreno-Ocampo avait le 16 mai demandé aux juges des mandats d'arrêt contre les trois hommes. Il les accuse d'être responsables de meurtres et de persécutions commis par les forces de sécurité libyennes sur la population civile depuis l'éclatement de la révolte mi-février, notamment à Tripoli, Benghazi et Misrata.
            
Saisi par le Conseil de sécurité des Nations unies le 26 février, le procureur de la CPI avait ouvert son enquête le 3 mars.
            
La révolte en Libye a fait des milliers de morts, selon le procureur de la CPI. Elle a en outre entraîné la fuite à l'étranger de près de 650.000 Libyens et le déplacement à l'intérieur du pays de 243.000 autres, selon l'ONU.




vendredi 17 juin 2011

L'arrestation d'un «espion» israélien fait jaser l'Égypte

Les journaux égyptiens affichent tous Ilan Grapel en une.

Ilan Grapel est accusé par les autorités du Caire d'agir pour le compte du Mossad.


Son visage juvénile s'affiche à la une des journaux égyptiens. Ici attablé devant une bière dans un café cairote, là sur la place Tahrir, épicentre de la révolution, avec une pancarte en arabe critiquant Barack Obama. À en croire les autorités égyptiennes, Ilan Grapel, un Américano-Israélien de 27 ans, est un agent du Mossad qui se livrait à des activités d'espionnage «dans le but de porter atteinte aux intérêts économiques et politiques du pays». Selon le parquet, qui l'a placé en détention préventive pour quinze jours, il est entré en Égypte «en se faisant passer pour un journaliste». Des sources judiciaires l'accusent d'avoir cherché à provoquer des tensions entre les jeunes révolutionnaires et l'armée, ainsi qu'entre musulmans et coptes. Une accusation reçue avec scepticisme par nombre d'experts égyptiens, qui soulignent que le jeune homme n'a pas le profil d'un spécialiste des missions secrètes. 

L'ambassade d'Israël au Caire n'a fait aucun commentaire. À Tel-Aviv, le ministère des Affaires étrangères et le Mossad ont nié qu'Ilan Grapel agisse pour le compte du gouvernement israélien. Selon son père, il s'était rendu en Égypte en tant que volontaire pour une agence d'aide aux réfugiés. Un de ses amis, cité par le Jerusalem Post, le décrit comme un «activiste de gauche pro-arabe», bien qu'il ait fait son service militaire dans une unité parachutiste de l'armée israélienne et qu'il ait été blessé par le Hezbollah au Liban-Sud en 2006.

Qui est vraiment Ilan Grapel? Pour les observateurs au Caire, ce n'est pas le plus important: la question est surtout de savoir quel but recherchent les autorités qui ont déjà expulsé le mois dernier un diplomate iranien accusé d'espionnage. Un diplomate européen y voit «une nouvelle illustration de la politique de rupture» avec le régime d'Hosni Moubarak, jugé trop conciliant avec Israël. L'Égypte a suspendu ses livraisons de gaz naturel à prix bradés et rouvert le terminal de Rafah, allégeant le blocus de Gaza. Autant d'initiatives saluées par l'opinion publique, dont un récent sondage a montré qu'elle était favorable à une remise en question du Traité de paix avec Israël. «On peut aussi y voir une tentative de la part des services de sécurité de redorer leur blason, sérieusement écorné par la révolution», ajoute le diplomate européen. Le blogueur Hossam el-Hamalawy suspecte, lui, une autre explication: «L'armée pourra désormais accuser quiconque la critique d'agir pour le compte d'Israël»…




samedi 11 juin 2011

Libye: Ankara a offert à Kadhafi des garanties pour un exil


TRIPOLI — La Turquie a offert à Mouammar Kadhafi des "garanties" pour un exil, mais le dirigeant libyen contesté n'a pas donné suite à cette proposition, bombardant au contraire à nouveau l'enclave rebelle de Misrata.

Le colonel Kadhafi "n'a pas d'autre solution que de quitter la Libye, avec une garantie qui lui sera donnée... Nous lui avons donné cette garantie. Nous lui avons dit que nous apporterions notre aide pour qu'il soit envoyé là où il le souhaite", a déclaré le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan.

"Selon la réponse qu'il nous donnera, nous soumettrons cette question à nos alliés (de l'Otan), mais malheureusement, nous n'avons pas reçu de réponse jusqu'à présent", a-t-il ajouté.

Seul pays musulman de l'Alliance, la Turquie ne participe pas aux raids aériens visant depuis le 19 mars le régime de M. Kadhafi qui refuse de quitter le pouvoir et reste combatif malgré les pressions, les sanctions et l'isolement internationaux.

Malgré cette nouvelle tentative de médiation, Tripoli a poursuivi ses attaques contre les rebelles, rouvrant le front de Misrata, cette enclave tenue par l'insurrection à 200 km à l'est de la capitale.

Au moins 20 personnes -civils et rebelles- ont ainsi perdu la vie vendredi, et plus de 80 blessées dans un bombardement à la roquette de type Grad, à l'artillerie lourde et aux obus de chars, a dit la rébellion.

Assiégés et pilonnés pendant deux mois, les rebelles avaient réussi à desserrer l'étau de la ville début mai.

De son côté, l'Otan, qui a prolongé son mandat de trois mois, jusqu'à fin septembre, a visé jeudi 14 cibles du régime dans cette région.

Des chasseurs britanniques ont eux détruit vendredi quatre chars "cachés dans un verger" près de la ville d'Al-Aziziyah au sud-ouest de Tripoli, selon le ministère de la Défense. Les Tornado et Typhoon de la Royal Air Force ont également bombardé une base militaire à Al-Mayah près de la capitale.

Près de trois mois après le début des opérations de la coalition, sous mandat de l'ONU, le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a évoqué un manque d'investissements politiques et militaires de la part des alliés occidentaux de l'Alliance. Ces "lacunes" pourraient "compromettre" l'efficacité de la mission passée sous commandement de l'Otan le 31 mars, a-t-il averti.

La Norvège, qui contribue avec six chasseurs F-16 aux frappes en Libye, a malgré tout annoncé qu'elle mettrait fin à sa participation aux opérations le 1er août, alors que les Pays-Bas vont prolonger la leur de trois mois.

Sur le front humanitaire, trois nouveaux bateaux de migrants partis de Libye sont arrivés sur l'île italienne de Lampedusa avec 667 personnes dont des femmes et des enfants.

"Quatre autres bateaux, dont deux en difficulté, vont arriver. Nous préparons une opération pour les secourir", ont indiqué les gardes-côtes italiens. "Ce sont tous des Africains sub-sahariens qui arrivent de Libye".

Près de 900.000 personnes ont ainsi pris le chemin de l'exode depuis le début du conflit en Libye qui, lancé le 15 février par une révolte contre le pouvoir, a fait aussi des milliers de morts, selon des agences de l'ONU.

Diplomatiquement, une délégation du gouvernement libyen a été reçue vendredi à Nouakchott par le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Président du comité de chefs d'Etat de l'Union africaine chargé de trouver une solution négociée au conflit, il avait déclaré à l'AFP que "Kadhafi ne peut plus diriger la Libye".

C'était la première fois qu'un haut dirigeant de l'UA appelait ouvertement au départ du colonel au pouvoir depuis 42 ans, l'UA défendant depuis le début sa "feuille de route" prévoyant une cessez-le-feu et l'instauration d'une période de transition.



vendredi 10 juin 2011

Egypte: la police, honnie mais indispensable, dilemme du nouveau pouvoir


LE CAIRE — Honnie par une large part de la population, décriée par les défenseurs des droits de l'Homme, mais en même temps suppliée d'enrayer une criminalité croissante, la police égyptienne pose un grave dilemme au nouveau pouvoir dirigé par les militaires.

Les limogeages dans la haute hiérarchie policière et la dissolution de la Sécurité de l'Etat -police politique tentaculaire et redoutée- alternent avec les appels pour que les policiers reprennent le travail sans être montrés du doigt ou pris à partie.

Quatre mois après la chute du régime de Hosni Moubarak, un fait divers récent -la mort d'un chauffeur de minibus décédé après une altercation avec un policier au Caire- a fait ressurgir les polémiques du passé.

La polémique entre la version du pouvoir -favorable au policier- et celle des militants des droits de l'Homme -qui accable les forces de l'ordre- rappelle davantage le climat prévalant sous le régime déchu, que l'ère nouvelle de respect des droits et de transparence promise.

Selon le ministère de l'Intérieur, le conducteur aurait sorti une arme blanche et aurait été tué par la foule qui entendait protéger le policier. Des militants des droits de l'Homme affirment en revanche que le chauffeur a été conduit dans un commissariat, où il aurait été battu avant de mourir à l'hôpital.

Discréditée aux yeux d'une vaste partie des Egyptiens pour sa brutalité sous M. Moubarak et pour son rôle dans la répression du soulèvement du début de l'année, la police a largement déserté les rues après la chute du régime.

Son retour se fait de manière progressive et timide, souvent avec l'aide de la police militaire reconnaissable à ses bérets rouges, mieux considérée par la population.

Mais de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer sa passivité face aux criminels, ainsi que la menace, quand elle agit, de voir se reproduire les méthodes du passé -abus de droit, violences, tortures, impunité etc...

L'écrivain Alaa al-Aswani, auteur du best-seller "L'immeuble Yacoubian", a dénoncé cette situation dans un article choc publié par le quotidien Al-Masry al-Youm, sous le titre "Qui peut sauver l'Egypte des hommes de la police?".

"Les voyous et les criminels relâchés des prisons (durant la révolte) attaquent les citoyens, et les policiers se contentent de regarder comme s'ils voulaient dire aux Egyptiens: +Vous avez voulu faire la révolution contre la répression policière, et bien maintenant oubliez la police et défendez-vous vous-mêmes", écrit-il.

Hossam Bahgat, directeur de l'Initiative égyptienne pour les droits individuels, une des principales ONG égyptiennes, a souligné le défi de bâtir un Etat de droit en héritant d'une police qu'il faut réformer et purger, mais aussi mobiliser et remettre en confiance.

"Il ne faut pas minimiser les crimes de la police", mais "nous devons traiter ce problème sans saper les bases de l'Etat de droit et de la société démocratique", affirme-t-il dans le journal Al-Chorouq.

L'organisation américaine HRW a également appelé le pouvoir égyptien à engager des réformes "pour être sûrs que les exactions commises par le passé par les services ne se reproduiront pas".

Le ministre de l'Intérieur, Mansour el-Issawi, a semblé vouloir ménager tout le monde, dans une récente interview à la radio.

Le ministre a assuré que "des mesures fermes seront prises à l'encontre des policiers qui ne font pas leur travail", en référence aux innombrables témoignages d'agents de police restant bras croisés face aux infractions et aux délits.

Dans le même temps, il s'est employé à redonner confiance à ses troupes, en promettant des centaines de voitures de police neuves et de meilleurs salaires.